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Las flores del mal, por Charles Baudelaire (página 8)



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Tout, la cendre latine et la poussière grecque,

Se mêlaient. J'étais haut comme un in-folio.

Deux voix me parlaient. L'une, insidieuse et ferme,

Disait : " La Terre est un gâteau plein de douceur ;

Je puis (et ton plaisir serait alors sans terme !)

Te faire un appétit d'une égale grosseur. "

Et l'autre : " Viens ! oh ! viens voyager dans les rêves,

Au delà du possible, au delà du connu ! "

Et celle-là chantait comme le vent des grèves,

Fantôme vagissant, on ne sait d'où venu,

Qui caresse l'oreille et cependant l'effraie.

Je te répondis : " Oui ! douce voix ! " C'est d'alors

Que date ce qu'on peut, hélas ! nommer ma plaie

Et ma fatalité. Derrière les décors

De l'existence immense, au plus noir de l'abîme,

Je vois distinctement des mondes singuliers,

Et, de ma clairvoyance extatique victime,

Je traîne des serpents qui mordent mes souliers.

Et c'est depuis ce temps que, pareil aux prophètes,

J'aime si tendrement le désert et la mer ;

Que je ris dans les deuils et pleure dans les fêtes,

Et trouve un goût suave au vin le plus amer ;

Que je prends très souvent les faits pour des mensonges,

Et que, les yeux au ciel, je tombe dans des trous.

Mais la Voix me console et dit : " Garde tes songes :

Les sages n'en ont pas d'aussi beaux que les fous ! "

XVIII

L'Imprévu

Harpagon, qui veillait son père agonisant,

Se dit, rêveur, devant ces lèvres déjà blanches:

"Nous avons au grenier un nombre suffisant,

Ce me semble, de vieilles planches?"

Célimène roucoule et dit: "Mon coeur est bon,

Et naturellement, Dieu m'a faite très-belle."

— Son coeur! coeur racorni, fumé comme un jambon,

Recuit à la flamme éternelle!

Un gazetier fumeux, qui se croit un flambeau,

Dit au pauvre, qu'il a noyé dans les ténèbres:

"Où donc l'aperçois-tu, ce créateur du Beau,

Ce Redresseur que tu célèbres?"

Mieux que tous, je connais certain voluptueux

Qui baîlle nuit et jour, et se lamente et pleure,

Répétant, l'impuissant et le fat: "Oui, je veux

Être vertueux, dans une heure!"

L'horloge, à son tour, dit à voix basse: "Il est mûr,

Le damné! J'avertis en vain la chair infecte.

L'homme est aveugle, sourd, fragile, comme un mur

Qu'habite et que ronge un insecte!"

Et puis, Quelqu'un paraît, que tous avaient nié,

Et qui leur dit, railleur et fier: "Dans mon ciboire,

Vous avez, que je crois, assez communié,

A la joyeuse Messe noire?

Chacun de vous m'a fait un temple dans son coeur;

Vous avez, en secret, baisé ma fesse immonde!

Reconnaissez Satan à son rire vainqueur,

Énorme et laid comme le monde!

Avez-vous donc pu croire, hypocrites surpris,

Qu'on se moque du maître, et qu'avec lui l'on triche,

Et qu'il soit naturel de recevoir deux prix,

D'aller au Ciel et d'être riche?

Il faut que le gibier paye le vieux chasseur

Qui se morfond longtemps à l'affût de la proie.

Je vais vous emporter à travers l'épaisseur,

Compagnons de ma triste joie,

A travers l'épaisseur de la terre et du roc,

A travers les amas confus de votre cendre,

Dans un palais aussi grand que moi, d'un seul bloc,

Et qui n'est pas de pierre tendre;

Car il est fait avec l'universel Péché,

Et contient mon orgueil, ma douleur et ma gloire!"

— Cependant, tout en haut de l'univers juché,

Un ange sonne la victoire

De ceux dont le coeur dit: "Que béni soit ton fouet,

Seigneur! que la douleur, ô Père, soit bénie!

Mon âme dans tes mains n'est pas un vain jouet,

Et ta prudence est infinie."

Le son de la trompette et si délicieux,

Dans ces soirs solennels de célestes vendanges,

Qu'il s'infiltre comme une extase dans tous ceux

Dont elle chante les louanges.

XIX

La Rançon

L'homme a, pour payer sa rançon,

Deux champs au tuf profond et riche,

Qu'il faut qu'il remue et défriche

Avec le fer de la raison;

Pour obtenir la moindre rose,

Pour extorquer quelques épis,

Des pleurs salés de son front gris

Sans cesse il faut qu'il les arrose.

L'un est l'Art, et l'autre l'Amour.

— Pour rendre le juge propice,

Lorsque la stricte justice

Paraîtra le terrible jour,

Il faudra lui montrer des granges

Pleines de moissons, et des fleurs

Dont les formes et les couleurs

Gagnent les suffrage des Anges.

XX

A une Malabaraise

Tes pieds sont aussi fins que tes mains, et ta hanche

Est Large à faire envie à la plus belle blanche ;

A l'artiste pensif ton corps est doux et cher ;

Tes grands yeux de velours sont plus noirs que ta chair.

Aux pays chauds et bleus où ton Dieu t'a fait naître,

Ta tâche est d'allumer la pipe de ton maître,

De pourvoir les flacons d'eaux fraîches et d'odeurs,

De chasser loin du lit les moustiques rôdeurs,

Et, dès que le matin fait chanter les platanes,

D'acheter au bazar ananas et bananes.

Tout le jour, où tu veux, tu mènes tes pieds nus

Et fredonnes tout bas de vieux airs inconnus ;

Et quand descend le soir au manteau d'écarlate,

Tu poses doucement ton corps sur une natte,

Où tes rêves flottants sont pleins de colibris,

Et toujours, comme toi, gracieux et fleuris.

Pourquoi, l'heureuse enfant, veux-tu voir notre France,

Ce pays trop peuplé que fauche la souffrance,

Et, confiant ta vie aux bras forts des marins,

Faire de grands adieux à tes chers tamarins ?

Toi, vêtue à moitié de mousselines frêles,

Frissonnante là-bas sous la neige et les grêles,

Comme tu pleurerais tes loisirs doux et francs,

Si, le corset brutal emprisonnant tes flancs,

Il te fallait glaner ton souper dans nos fanges

Et vendre le parfum de tes charmes étranges,

L'oeil pensif, et suivant, dans nos sales brouillards,

Des cocotiers absents les fantômes épars !

Buffoneries

XXI

Sur les débuts de mademoiselle Amina Boschetti

(au Theatre de la Monnaie, a Bruxelles)

Amina bondit, – fuit, – puis voltige et sourit;

Le Welche dit: «Tout ça, pour moi, c'est du prâcrit;

Je ne connais, en fait de nymphes bocagères,

Que celles de Montagne-aux-Herbes-Potagères.»

Du bout de son pied fin et de son oeil qui rit,

Amina verse à flots le délire et l'esprit;

Le Welche dit: «Fuyez, délices mensongères!

Mon épouse n'a pas ces allures légères.»

Vous ignorez, sylphide au jarret triomphant,

Qui voulez enseigner la walse à l'éléphant,

Au hibou la gaîté, le rire à la cigogne,

Que sur la grâce en feu le Welche dit: «Haro!»

Et que le doux Bacchus lui versant du bourgogne,

Le monstre répondrait: «J'aime mieux le faro!»

XXII

A propos d'un importun

(a propos d-un importun qui se disait son ami)

Il me dit qu'il était très-riche,

Mais qu'il craignait le choléra;

– Que de son or il était chiche,

Mais qu'il goûtait fort l'Opéra;

– Qu'il raffolait de la nature,

Ayant connu monsieur Corot;

– Qu'il n'avait pas encor voiture,

Mais que cela viendrait bientôt;

– Qu'il aimait le marbre et la brique,

Les bois noirs et les bois dorés;

– Qu'il possédait dans sa fabrique

Trois contre-maîtres décorés;

– Qu'il avait, sans compter le reste,

Vingt mille actions sur le Nord;

– Qu'il avait trouvé, pour un zeste,

Des encadrements d'Oppenord;

– Qu'il donnerait (fût-ce à Luzarches!)

Dans le bric-à-brac jusqu'au cou,

Et qu'au Marché des Patriarches

Il avait fait plus d'un bon coup;

– Qu'il n'aimait pas beaucoup sa femme,

Ni sa mère; – mais qu'il croyait

A l'immortalité de l'âme,

Et qu'il avait lu Niboyet!

– Qu'il penchait pour l'amour physique,

Et qu'à Rome, séjour d'ennui,

Une femme, d'ailleurs phtisique,

Etait morte d'amour pour lui.

Pendant trois heures et demie,

Ce bavard, venu de Tournai,

M'a dégoisé toute sa vie;

J'en ai le cerveau consterné.

S'il fallait décrire ma peine,

Ce serait à n'en plus finir;

Je me disais, domptant ma haine:

«Au moins, si je pouvais dormir!»

Comme un qui n'est pas à son aise,

Et qui n'ose pas s'en aller,

Je frottais de mon cul ma chaise,

Rêvant de le faire empaler.

Ce monstre se nomme Bastogne;

Il fuyait devant le fléau.

Moi, je fuirai jusqu'en Gascogne,

Ou j'irai me jeter à l'eau,

Si dans ce Paris, qu'il redoute,

Quand chacun sera retourné,

Je trouve encore sur ma route

Ce fléau, natif de Tournai.

Bruxelles, 1865.

XXIII

Un cabaret folâtre

(sur la route de Bruxelles a Uccle)

Vous qui raffolez des squelettes

Et des emblêmes détestés,

Pour épicer les voluptés,

(Fût-ce de simples omelettes!)

Vieux Pharaon, ô Monselet!

Devant cette enseigne imprévue,

J'ai rêvé de vous: A la vue

Du Cimetière, Estaminet!

AGREGADOS DE LA TERCERA EDICION

I

Épigraphe pour un livre condamné

Lecteur paisible et bucolique,

Sobre et naïf homme de bien,

Jette ce livre saturnien,

Orgiaque et mélancolique.

Si tu n'as fait ta rhétorique

Chez Satan, le rusé doyen,

Jette ! tu n'y comprendrais rien,

Ou tu me croirais hystérique.

Mais si, sans se laisser charmer,

Ton oeil sait plonger dans les gouffres,

Lis-moi, pour apprendre à m'aimer ;

Ame curieuse qui souffres

Et vas cherchant ton paradis,

Plains-moi !… sinon, je te maudis !

II

A Théodore de Banville

Vous avez empoigné les crins de la Déesse

Avec un tel poignet, qu'on vous eût pris, à voir

Et cet air de maîtrise et ce beau nonchaloir,

Pour un jeune ruffian terrassant sa maîtresse.

L'oeil clair et plein du feu de la précocité,

Vous avez prélassé votre orgueil d'architecte

Dans des constructions dont l'audace correcte

Fait voir quelle sera votre maturité.

Poëte, notre sang nous fuit par chaque pore;

Est-ce que par hasard la robe du Centaure,

Qui changeait toute veine en funèbre ruisseau,

Était teinte trois fois dans les baves subtiles

De ces vindicatifs et monstrueux reptiles

Que le petit Hercule étranglait au berceau?

III

Le Calumet de paix

Imité de Longfellow

I.

Or Gitche Manito, le Maître de la Vie,

Le Puissant, descendit dans la verte prairie,

Dans l'immense prairie aux coteaux montueux;

Et là, sur les rochers de la Rouge Carrière,

Dominant tout l'espace et baigné de lumière,

Il se tenait debout, vaste et majestueux.

Alors il convoqua les peuples innombrables,

Plus nombreux que ne sont les herbes et les sables.

Avec sa main terrible il rompit un morceau

Du rocher, dont il fit une pipe superbe,

Puis, au bord du ruisseau, dans une énorme gerbe,

Pour s'en faire un tuyau, choisit un long roseau.

Pour la bourrer il prit au saule son écorce;

Et lui, le Tout-Puissant, Créateur de la Force,

Debout, il alluma, comme un divin fanal,

La Pipe de la Paix. Debout sur la Carrière

Il fumait, droit, superbe et baigné de lumière.

Or pour les nations c'était le grand signal.

Et lentement montait la divine fumée

Dans l'air doux du matin, onduleuse, embaumée.

Et d'abord ce ne fut qu'un sillon ténébreux;

Puis la vapeur se fit plus bleue et plus épaisse,

Puis blanchit; et montant, et grossissant sans cesse,

Elle alla se briser au dur plafond des cieux.

Des plus lointains sommets des Montagnes Rocheuses,

Depuis les lacs du Nord aux ondes tapageuses,

Depuis Tawasentha, le vallon sans pareil,

Jusqu'à Tuscaloosa, le forêt parfumée,

Tous virent le signal et l'immense fumée

Montant paisiblement dans le matin vermeil.

Les Prophètes disaient: "Voyez-vous cette bande

De vapeur, qui, semblable à la main qui commande,

Oscille et se détache en noir sur le soleil?

C'est Gitche Manito, le Maître de la Vie,

Qui dit aux quatre coins de l'immense prairie:

"Je vous convoque tous, guerriers, à mon conseil!"

Par le chemin des eaux, par la route des plaines,

Par les quatre côtés d'où soufflent les haleines

Du vent, tous les guerriers de chaque tribu, tous,

Comprenant le signal du nuage qui bouge,

Vinrent docilement à la Carrière Rouge

Où Gitche Manito leur donnait rendez-vous.

Les guerriers se tenaient sur la verte prairie,

Tous équipés en guerre, et la mine aguerrie,

Bariolés ainsi qu'un feuillage automnal;

Et la haine qui fait combattre tous les êtres,

La haine qui brûlait les yeux de leurs ancêtres

Incendiait encor leurs yeux d'un feu fatal.

Et leurs yeux étaient pleins de haine héréditaire.

Or Gitche Manito, le Maître de la Terre,

Les considérait tous avec compassion,

Comme un père très-bon, ennemi du désordre,

Qui voit ses chers petits batailler et se mordre.

Tel Gitche Manito pour toute nation.

Il étendit sur eux sa puissante main droite

Pour subjuguer leur coeur et leur nature étroite,

Pour rafraîchir leur fièvre à l'ombre de sa main;

Puis il leur dit avec sa voix majestueuse,

Comparable à la voix d'une eau tumultueuse

Qui tombe et rend un son monstrueux, surhumain!

II.

"Ô ma postérité, déplorable et chérie!

Ô mes fils! écoutez la divine raison.

C'est Gitche Manito, le Maître de la Vie,

Qui vous parle! celui qui dans votre patrie

A mis l'ours, le castor, le renne et le bison.

Je vous ai fait la chasse et la pêche faciles;

Pourquoi donc le chasseur devient-il assassin?

Le marais fut par moi peuplé de volatiles;

Pourquoi n'êtes-vous pas contents, fils indociles?

Pourquoi l'homme fait-il la chasse à son voisin?

Je suis vraiment las de vos horribles guerres.

Vos prières, vos voeux mêmes sont des forfaits!

Le péril est pour vous dans vos humeurs contraires,

Et c'est dans l'union qu'est votre force. En frères

Vivez donc, et sachez vous maintenir en paix.

Bientôt vous recevrez de ma main un Prophète

Qui viendra vous instruire et souffrir avec vous.

Sa parole fera de la vie une fête;

Mais si vous méprisez sa sagesse parfaite,

Pauvres enfants maudits, vous disparaîtrez tous!

Effacez dans les flots vos couleurs meurtrières.

Les roseaux sont nombreux et le roc est épais;

Chacun en peut tirer sa pipe. Plus de guerres,

Plus de sang! Désormais vivez comme des frères,

Et tous, unis, fumez le Calumet de Paix!"

III.

Et soudain tous, jetant leurs armes sur la terre,

Lavent dans le ruisseau les couleurs de la guerre

Qui luisaient sur leurs fronts cruels et triomphants.

Chacun creuse une pipe et cueille sur la rive

Un long roseau qu'avec adresse il enjolive.

Et l'Esprit souriait à ses pauvres enfants!

Chacun s'en retourna l'âme calme et ravie,

Et Gitche Manito, le Maître de la Vie,

Remonta par la porte entr'ouverte des cieux.

— A travers la vapeur splendide du nuage

Le Tout-Puissant montait, content de son ouvrage,

Immense, parfumé, sublime, radieux!

IV

La Prière d'un païen

Ah! ne ralentis pas tes flammes;

Réchauffe mon coeur engourdit,

Volupté, torture des âmes!

Diva! supplicem exaudi!

Déesse dans l'air répandue,

Flamme dans notre souterrain!

Exauce une âme morfondue,

Qui te consacre un chant d'airain.

Volupté, sois toujours ma reine!

Prends le masque d'une sirène

Faite de chair et de velours,

Ou verse-moi tes sommeils lourds

Dans le vin informe et mystique,

Volupté, fantôme élastique!

V

Le Couvercle

En quelque lieu qu'il aille, ou sur mer ou sur terre,

Sous un climat de flamme ou sous un soleil blanc,

Serviteur de Jésus, courtisan de Cythère,

Mendiant ténébreux ou Crésus rutilant,

Citadin, campagnard, vagabond, sédentaire,

Que son petit cerveau soit actif ou soit lent,

Partout l'homme subit la terreur du mystère,

Et ne regarde en haut qu'avec un oeil tremblant.

En haut, le Ciel! ce mur de caveau qui l'étouffe,

Plafond illuminé par un opéra bouffe

Où chaque histrion foule un sol ensanglanté;

Terreur du libertin, espoir du fol ermite;

Le Ciel! couvercle noir de la grande marmite

Où bout l'imperceptible et vaste Humanité.

VI

L'examen de minuit

La pendule, sonnant minuit,

Ironiquement nous engage

A nous rappeler quel usage

Nous fîmes du jour qui s'enfuit :

– Aujourd'hui, date fatidique,

Vendredi, treize, nous avons,

Malgré tout ce que nous savons,

Mené le train d'un hérétique ;

Nous avons blasphémé Jésus,

Des Dieux le plus incontestable !

Comme un parasite à la table

De quelque monstrueux Crésus,

Nous avons, pour plaire à la brute,

Digne vassale des Démons,

Insulté ce que nous aimons

Et flatté ce qui nous rebute ;

Contristé, servile bourreau

Le faible qu'à tort on méprise ;

Salué l'énorme Bêtise,

La Bêtise au front de taureau ;

Baisé la stupide Matière

Avec grande dévotion,

Et de la putréfaction

Béni la blafarde lumière ;

Enfin, nous avons, pour noyer

Le vertige dans le délire,

Nous, prêtre orgueilleux de la Lyre,

Dont la gloire est de déployer

L'ivresse des choses funèbres,

Bu sans soif et mangé sans faim !…

– Vite soufflons la lampe, afin

De nous cacher dans les ténèbres !

VII

Madrigal triste

I

Que m'importe que tu sois sage ?

Sois belle ! et sois triste ! Les pleurs

Ajoutent un charme au visage,

Comme le fleuve au paysage ;

L'orage rajeunit les fleurs.

Je t'aime surtout quand la joie

S'enfuit de ton front terrassé ;

Quand ton coeur dans l'horreur se noie ;

Quand sur ton présent se déploie

Le nuage affreux du passé.

Je t'aime quand ton grand oeil verse

Une eau chaude comme le sang ;

Quand, malgré ma main qui te berce,

Ton angoisse, trop lourde, perce

Comme un râle d'agonisant.

J'aspire, volupté divine !

Hymne profond, délicieux !

Tous les sanglots de ta poitrine,

Et crois que ton coeur s'illumine

Des perles que versent tes yeux !

II

Je sais que ton coeur, qui regorge

De vieux amours déracinés,

Flamboie encor comme une forge,

Et que tu couves sous ta gorge

Un peu de l'orgueil des damnés ;

Mais tant, ma chère, que tes rêves

N'auront pas reflété l'Enfer,

Et qu'en un cauchemar sans trêves,

Songeant de poisons et de glaives,

Eprise de poudre et de fer,

N'ouvrant à chacun qu'avec crainte,

Déchiffrant le malheur partout,

Te convulsant quand l'heure tinte,

Tu n'auras pas senti l'étreinte

De l'irrésistible Dégoût,

Tu ne pourras, esclave reine

Qui ne m'aimes qu'avec effroi,

Dans l'horreur de la nuit malsaine,

Me dire, l'âme de cris pleine :

" Je suis ton égale, Ô mon Roi ! "

VIII

L'avertisseur

Tout homme digne de ce nom

A dans le coeur un Serpent jaune,

Installé comme sur un trône,

Qui, s'il dit : " Je veux ! " répond : " Non ! "

Plonge tes yeux dans les yeux fixes

Des Satyresses ou des Nixes,

La Dent dit : " Pense à ton devoir ! "

Fais des enfants, plante des arbres,

Polis des vers, sculpte des marbres,

La Dent dit : " Vivras-tu ce soir ? "

Quoi qu'il ébauche ou qu'il espère,

L'homme ne vit pas un moment

Sans subir l'avertissement

De l'insupportable Vipère.

IX

Le rebelle

Un ange furieux fond du ciel comme un aigle,

Du mécréant saisit à plein poing les cheveux,

Et dit, le secouant : " Tu connaîtras la règle !

(Car je suis ton bon Ange, entends-tu ?) Je le veux !

Sache qu'il faut aimer, sans faire la grimace,

Le pauvre, le méchant, le tortu, l'hébété,

Pour que tu puisses faire, à Jésus, quand il passe,

Un tapis triomphal avec ta charité.

Tel est l'Amour ! Avant que ton coeur ne se blase,

A la gloire de Dieu rallume ton extase ;

C'est la Volupté vraie aux durables appas !"

Et l'Ange, châtiant autant, ma foi ! qu'il aime,

De ses poings de géant torture l'anathème ;

Mais le damné répond toujours : " Je ne veux pas !"

X

Bien loin d'ici

C'est ici la case sacrée

Où cette fille très parée,

Tranquille et toujours préparée,

D'une main éventant ses seins,

Et son coude dans les coussins,

Ecoute pleurer les bassins ;

C'est la chambre de Dorothée.

– La brise et l'eau chantent au loin

Leur chanson de sanglots heurtée

Pour bercer cette enfant gâtée.

Du haut en bas, avec grand soin,

Sa peau délicate est frottée

D'huile odorante et de benjoin.

– Des fleurs se pâment dans un coin.

XI

Le Gouffre

Pascal avait son gouffre, avec lui se mouvant,

— Hélas! tout est abîme, — action, désir, rêve,

Parole! et sur mon poil qui tout droit se relève

Mainte fois de la Peur je sens passer le vent.

En haut, en bas, partout, la profondeur, la grève,

Le silence, l'espace affreux et captivant …

Sur le fond de mes nuits Dieu de son doigt savant

Dessine un cauchemar multiforme et sans trêve.

J'ai peur du sommeil comme on a peur d'un grand trou,

Tout plein de vague horreur, menant on ne sait où;

Je ne vois qu'infini par toutes les fenêtres,

Et mon esprit, toujours de vertige hanté,

Jalouse du néant l'insensibilité.

— Ah! ne jamais sortir des Nombres et des Êtres!

XII

Les plaintes d'un Icare

Les amants des prostituées

Sont heureux, dispos et repus ;

Quant à moi, mes bras sont rompus

Pour avoir étreint des nuées.

C'est grâce aux astres nonpareils,

Qui tout au fond du ciel flamboient,

Que mes yeux consumés ne voient

Que des souvenirs de soleils.

En vain j'ai voulu de l'espace

Trouver la fin et le milieu ;

Sous je ne sais quel oeil de feu

Je sens mon aile qui se casse ;

Et brûlé par l'amour du beau,

Je n'aurai pas l'honneur sublime

De donner mon nom à l'abîme

Qui me servira de tombeau.

XIII

Recueillement

Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille.

Tu réclamais le Soir ; il descend ; le voici :

Une atmosphère obscure enveloppe la ville,

Aux uns portant la paix, aux autres le souci.

Pendant que des mortels la multitude vile,

Sous le fouet du Plaisir, ce bourreau sans merci,

Va cueillir des remords dans la fête servile,

Ma douleur, donne-moi la main ; viens par ici,

Loin d'eux. Vois se pencher les défuntes Années,

Sur les balcons du ciel, en robes surannées ;

Surgir du fond des eaux le Regret souriant ;

Le Soleil moribond s'endormir sous une arche,

Et, comme un long linceul traînant à l'Orient,

Entends, ma chère, entends la douce Nuit qui marche.

XIV

La lune offensée

Ô Lune qu'adoraient discrètement nos pères,

Du haut des pays bleus où, radieux sérail,

Les astres vont se suivre en pimpant attirail,

Ma vieille Cynthia, lampe de nos repaires,

Vois-tu les amoureux, sur leurs grabats prospères,

De leur bouche en dormant montrer le frais émail ?

Le poète buter du front sur son travail ?

Ou sous les gazons secs s'accoupler les vipères ?

Sous ton domino jaune, et d'un pied clandestin,

Vas-tu, comme jadis, du soir jusqu'au matin,

Baiser d'Endymion les grâces surannées ?

– " Je vois ta mère, enfant de ce siècle appauvri,

Qui vers son miroir penche un lourd amas d'années,

Et plâtre artistement le sein qui t'a nourri ! "

Poesies diverses

Poèmes divers

I

N'est-ce pas qu'il est doux, maintenant que nous sommes

Fatigués et flétris comme les autres hommes,

De chercher quelquefois à l'Orient lointain

Si nous voyons encore les rougeurs du matin,

Et, quand nous avançons dans la rude carrière,

D'écouter les échos qui chantent en arrière

Et les chuchotements de ces jeunes amours

Que le Seigneur a mis au début de nos jours ?

Poèmes divers

II

Il aimait à la voir, avec ses jupes blanches,

Courir tout au travers du feuillage et des branches,

Gauche et pleine de grâce, alors qu'elle cachait

Sa jambe, si la robe aux buissons s'accrochait.

III

Incompatibilité

Tout là-haut, tout là-haut, loin de la route sûre,

Des fermes, des vallons, par delà les coteaux,

Par delà les forêts, les tapis de verdure,

Loin des derniers gazons foulés par les troupeaux,

On rencontre un lac sombre encaissé dans l'abîme

Que forment quelques pics désolés et neigeux ;

L'eau, nuit et jour, y dort dans un repos sublime,

Et n'interrompt jamais son silence orageux.

Dans ce morne désert, à l'oreille incertaine

Arrivent par moments des bruits faibles et longs,

Et des échos plus morts que la cloche lointaine

D'une vache qui paît aux penchants des vallons.

Sur ces monts où le vent efface tout vestige,

Ces glaciers pailletés qu'allume le soleil,

Sur ces rochers altiers où guette le vertige,

Dans ce lac où le soir mire son teint vermeil,

Sous mes pieds, sur ma tête et partout, le silence,

Le silence qui fait qu'on voudrait se sauver,

Le silence éternel et la montagne immense,

Car l'air est immobile et tout semble rêver.

On dirait que le ciel, en cette solitude,

Se contemple dans l'onde, et que ces monts, là-bas,

Écoutent, recueillis, dans leur grave attitude,

Un mystère divin que l'homme n'entend pas.

Et lorsque par hasard une nuée errante

Assombrit dans son vol le lac silencieux,

On croirait voir la robe ou l'ombre transparente

D'un esprit qui voyage et passe dans les cieux.

VII

Je n'ai pas pour maîtresse une lionne illustre

Je n'ai pas pour maîtresse une lionne illustre :

La gueuse, de mon âme, emprunte tout son lustre ;

Invisible aux regards de l'univers moqueur,

Sa beauté ne fleurit que dans mon triste coeur.

Pour avoir des souliers elle a vendu son âme.

Mais le bon Dieu rirait si, près de cette infâme,

Je tranchais du Tartufe et singeais la hauteur,

Moi qui vends ma pensée et qui veux être auteur.

Vice beaucoup plus grave, elle porte perruque.

Tous ses beaux cheveux noirs ont fui sa blanche nuque ;

Ce qui n'empêche pas les baisers amoureux.

De pleuvoir sur son front plus pelé qu'un lépreux.

Elle louche, et l'effet de ce regard étrange

Qu'ombragent des cils noirs plus longs que ceux d'un ange,

Est tel que tous les yeux pour qui l'on s'est damné

Ne valent pas pour moi son oeil juif et cerné.

Elle n'a que vingt ans ; – la gorge déjà basse

Pend de chaque côté comme une calebasse,

Et pourtant, me traînant chaque nuit sur son corps,

Ainsi qu'un nouveau-né, je la tette et la mords,

Et bien qu'elle n'ait pas souvent même une obole

Pour se frotter la chair et pour s'oindre l'épaule,

Je la lèche en silence avec plus de ferveur

Que Madeleine en feu les deux pieds du Sauveur.

La pauvre créature, au plaisir essoufflée,

A de rauques hoquets la poitrine gonflée,

Et je devine au bruit de son souffle brutal

Qu'elle a souvent mordu le pain de l'hôpital.

Ses grands yeux inquiets, durant la nuit cruelle,

Croient voir deux autres yeux au fond de la ruelle,

Car, ayant trop ouvert son coeur à tous venants,

Elle a peur sans lumière et croit aux revenants.

Ce qui fait que de suif elle use plus de livres

Qu'un vieux savant couché jour et nuit sur ses livres,

Et redoute bien moins la faim et ses tourments

Que l'apparition de ses défunts amants.

Si vous la rencontrez, bizarrement parée,

Se faufilant, au coin d'une rue égarée,

Et la tête et l'oeil bas comme un pigeon blessé,

Traînant dans les ruisseaux un talon déchaussé,

Messieurs, ne crachez pas de jurons ni d'ordure

Au visage fardé de cette pauvre impure

Que déesse Famine a par un soir d'hiver,

Contrainte à relever ses jupons en plein air.

Cette bohème-là, c'est mon tout, ma richesse,

Ma perle, mon bijou, ma reine, ma duchesse,

Celle qui m'a bercé sur son giron vainqueur,

Et qui dans ses deux mains a réchauffé mon coeur.

IX

Tous imberbes alors, sur les vieux bancs de chêne

Tous imberbes alors, sur les vieux bancs de chêne

Plus polis et luisants que des anneaux de chaîne,

Que, jour à jour, la peau des hommes a fourbis,

Nous traînions tristement nos ennuis, accroupis

Et voûtés sous le ciel carré des solitudes,

Où l'enfant boit, dix ans, l'âpre lait des études.

C'était dans ce vieux temps, mémorable et marquant,

Où forcés d'élargir le classique carcan,

Les professeurs, encor rebelles à vos rimes,

Succombaient sous l'effort de nos folles escrimes

Et laissaient l'écolier, triomphant et mutin,

Faire à l'aise hurler Triboulet en latin. –

Qui de nous en ces temps d'adolescences pâles,

N'a connu la torpeur des fatigues claustrales,

– L'oeil perdu dans l'azur morne d'un ciel d'été,

Ou l'éblouissement de la neige, – guetté,

L'oreille avide et droite, – et bu, comme une meute,

L'écho lointain d'un livre, ou le cri d'une émeute ?

C'était surtout l'été, quand les plombs se fondaient,

Que ces grands murs noircis en tristesse abondaient,

Lorsque la canicule ou le fumeux automne

Irradiait les cieux de son feu monotone,

Et faisait sommeiller, dans les sveltes donjons,

Les tiercelets criards, effroi des blancs pigeons ;

Saison de rêverie, où la Muse s'accroche

Pendant un jour entier au battant d'une cloche ;

Où la Mélancolie, à midi, quand tout dort,

Le menton dans la main, au fond du corridor, –

L'oeil plus noir et plus bleu que la Religieuse

Dont chacun sait l'histoire obscène et douloureuse,

– Traîne un pied alourdi de précoces ennuis,

Et son front moite encore des langueurs de ses nuits.

– Et puis venaient les soirs malsains, les nuits fiévreuses,

Qui rendent de leurs corps les filles amoureuses,

Et les font, aux miroirs, – stérile volupté, –

Contempler les fruits mûrs de leur nubilité, –

Les soirs italiens, de molle insouciance,

– Qui des plaisirs menteurs révèlent la science,

– Quand la sombre Vénus, du haut des balcons noirs,

Verse des flots de musc de ses frais encensoirs. –

Ce fut dans ce conflit de molles circonstances,

Mûri par vos sonnets, préparés par vos stances,

Qu'un soir, ayant flairé le livre et son esprit,

J'emportai sur mon coeur l'histoire d'Amaury.

Tout abîme mystique est à deux pas du doute. –

Le breuvage infiltré lentement, goutte à goutte,

En moi qui, dès quinze ans, vers le gouffre entraîné,

Déchiffrais couramment les soupirs de René,

Et que de l'inconnu la soif bizarre alterre,

– A travaillé le fond de la plus mince artère. –

J'en ai tout absorbé, les miasmes, les parfums,

Le doux chuchotement des souvenirs défunts,

Les longs enlacements des phrases symboliques,

– Chapelets murmurants de madrigaux mystiques ;

– Livre voluptueux, si jamais il en fut. –

Et depuis, soit au fond d'un asile touffu,

Soit que, sous les soleils des zones différentes,

L'éternel bercement des houles enivrantes,

Et l'aspect renaissant des horizons sans fin

Ramenassent ce coeur vers le songe divin, –

Soit dans les lourds loisirs d'un jour caniculaire,

Ou dans l'oisiveté frileuse de frimaire, –

Sous les flots du tabac qui masque le plafond,

J'ai partout feuilleté le mystère profond

De ce livre si cher aux âmes engourdies

Que leur destin marqua des mêmes maladies,

Et, devant le miroir, j'ai perfectionné

L'art cruel qu'un démon, en naissant, m'a donné,

– De la douleur pour faire une volupté vraie, –

D'ensanglanter un mal et de gratter sa plaie.

Poète, est-ce une injure ou bien un compliment ?

Car je suis vis à vis de vous comme un amant

En face du fantôme, au geste plein d'amorces,

Dont la main et dont l'oeil ont, pour pomper les forces,

Des charmes inconnus. – Tous les êtres aimés

Sont des vases de fiel qu'on boit, les yeux fermés,

Et le coeur transpercé, que la douleur allèche,

Expire chaque jour en bénissant sa flèche.

 

Enviado por:

Ing.+Lic. Yunior Andrés Castillo S.

"NO A LA CULTURA DEL SECRETO, SI A LA LIBERTAD DE INFORMACION"®

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Santiago de los Caballeros,

República Dominicana,

2015.

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